
Introduction
La maladie de Behçet est une affection inflammatoire chronique et multisystémique d’origine incertaine, caractérisée par une vascularite affectant les vaisseaux de petit, moyen et gros calibre. Elle se manifeste par des symptômes variés touchant plusieurs organes, notamment la peau, les muqueuses, les yeux, les articulations, le système vasculaire et le système nerveux central. Nommée d’après le dermatologue turc Hulusi Behçet qui l’a décrite en 1937, cette maladie est plus fréquente dans les régions situées le long de l’ancienne « route de la soie », notamment en Turquie, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est, mais elle peut survenir partout dans le monde.
Étiologie et physiopathologie
La cause exacte de la maladie de Behçet reste inconnue, mais elle est probablement multifactorielle, impliquant une combinaison de facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. Une association forte avec l’antigène HLA-B51 a été observée, suggérant une prédisposition génétique. Une dysrégulation du système immunitaire, notamment une hyperactivité des neutrophiles et une réponse inflammatoire excessive, joue un rôle central dans la vascularite caractéristique de la maladie. Les infections (comme le virus de l’herpès ou certaines bactéries) pourraient agir comme des déclencheurs chez les individus prédisposés.
Manifestations cliniques
La maladie de Behçet est connue pour sa présentation clinique hétérogène. Les symptômes les plus fréquents incluent :
1. Affections buccales
- Ulcères oraux : Présents dans presque tous les cas, ces aphtes récurrents sont souvent le premier signe de la maladie. Ils sont douloureux, multiples et peuvent persister plusieurs semaines.
2. Affections génitales
- Ulcères génitaux similaires à ceux de la bouche, localisés sur le scrotum chez les hommes ou la vulve chez les femmes. Ces lésions laissent souvent des cicatrices.
3. Manifestations cutanées
- Érythème noueux : Nodules rouges et douloureux, généralement sur les membres inférieurs.
- Lésions pseudo-folliculites ou papulo-pustuleuses.
- Test de pathergie : Une réaction cutanée exagérée (formation de pustules) après un traumatisme mineur, comme une piqûre d’aiguille, est un signe évocateur.
4. Atteinte oculaire
- Uvéite : Inflammation de l’uvée (antérieure, postérieure ou panuvéite) pouvant entraîner une douleur oculaire, une photophobie et une perte de vision si non traitée.
- Vascularite rétinienne : Peut causer des complications graves comme un décollement de la rétine ou une atrophie optique.
5. Atteinte articulaire
- Arthralgies ou arthrites non érosives, touchant principalement les grosses articulations comme les genoux ou les chevilles.
6. Atteinte vasculaire
- Thromboses veineuses : Notamment thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire.
- Anévrismes artériels : Plus rares mais potentiellement mortels.
7. Atteinte neurologique
- Neuro-Behçet : Atteinte du système nerveux central avec méningo-encéphalite, accidents vasculaires cérébraux ou lésions cérébrales.
8. Atteinte gastro-intestinale
- Ulcérations du tube digestif, pouvant imiter les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
Diagnostic
Il n’existe pas de test spécifique pour diagnostiquer la maladie de Behçet. Le diagnostic repose sur des critères cliniques, comme ceux établis par le International Study Group for Behçet’s Disease (1990) :
- Critère obligatoire : Ulcères buccaux récurrents (au moins 3 fois par an).
- Critères supplémentaires (au moins deux parmi) :
- Ulcères génitaux récurrents.
- Lésions oculaires (uvéite ou vascularite rétinienne).
- Lésions cutanées (érythème noueux, pseudo-folliculite).
- Test de pathergie positif.
Des examens complémentaires, comme une IRM cérébrale, une angiographie ou une analyse du liquide céphalo-rachidien, peuvent être nécessaires pour évaluer les atteintes systémiques.
Traitement
Le traitement de la maladie de Behçet vise à contrôler l’inflammation, soulager les symptômes et prévenir les complications. Il est adapté à la gravité et aux organes touchés :
1. Traitements locaux
- Colchicine : Efficace pour les ulcères buccaux et génitaux, ainsi que l’érythème noueux.
- Corticostéroïdes topiques : Pour les aphtes ou les lésions cutanées.
2. Traitements systémiques
- Corticostéroïdes : Utilisés dans les formes modérées à sévères (par exemple, uvéite ou atteinte neurologique).
- Immunosuppresseurs : Azathioprine, cyclophosphamide ou cyclosporine pour les atteintes graves (oculaires, vasculaires ou neurologiques).
- Biothérapies : Les anti-TNFα (infliximab, adalimumab) sont efficaces dans les cas réfractaires, notamment pour l’uvéite ou les atteintes vasculaires.
- Anticoagulants : En cas de thrombose veineuse, souvent associés à des immunosuppresseurs.
3. Prise en charge symptomatique
- Analgésiques pour les douleurs articulaires.
- Collyres mydriatiques pour l’uvéite.
Pronostic
Le pronostic de la maladie de Behçet varie selon la gravité et les organes touchés. Les atteintes oculaires, vasculaires et neurologiques sont associées à un risque plus élevé de complications, incluant la cécité ou des séquelles neurologiques. Un diagnostic précoce et un traitement adapté permettent de réduire la morbidité.
Conseils aux patients
- Suivi régulier : Une prise en charge multidisciplinaire (rhumatologue, ophtalmologue, dermatologue, neurologue) est essentielle.
- Éviter les déclencheurs : Stress, infections ou traumatismes peuvent exacerber les symptômes.
- Éducation : Les patients doivent être informés des signes d’alerte, comme une perte de vision ou des symptômes neurologiques, pour consulter rapidement.
Conclusion
La maladie de Behçet est une pathologie complexe qui nécessite une approche diagnostique et thérapeutique individualisée. Une collaboration étroite entre le patient et les spécialistes est cruciale pour contrôler la maladie et améliorer la qualité de vie. Les avancées dans les biothérapies offrent de nouvelles perspectives pour les formes sévères, mais la vigilance reste de mise pour prévenir les complications graves.