Alimentation et cancer : démêler le vrai du faux

09/04/2025   General health   789  
Dr Nouha Daoud
Alimentation et cancer : démêler le vrai du faux


Introduction

Lorsqu’un diagnostic de cancer tombe, les patients cherchent souvent à reprendre le contrôle à travers leur mode de vie, et notamment leur alimentation.
Ce besoin légitime est malheureusement souvent confronté à une multitude d’informations erronées, voir dangereuses. Entre peur du sucre, rejet des produits laitiers, des viandes rouges, engouement pour les régimes "miracles" ou le jeûne intermittent, il devient difficile de s’y retrouver.

Cet article propose un éclairage scientifique sur les idées reçues les plus répandues et rappelle l'importance d'une alimentation adaptée, surtout pendant les traitements.

 
Les idées fausses les plus courantes

1. Le sucre nourrit le cancer

C’est sans doute l’un des mythes les plus répandus. Il repose sur un fait biologique réel : les cellules cancéreuses consomment du glucose de manière accrue (effet Warburg).
Mais cela ne signifie pas que supprimer les sucres de l’alimentation ralentit la croissance tumorale.
Le glucose est aussi indispensable au fonctionnement des cellules saines, du cerveau des muscles.
Des restrictions drastiques peuvent entraîner fatigue, perte de poids et diminution de l’immunité.
L’objectif n’est pas de diaboliser le sucre, mais de limiter les excès, comme pour toute personne en bonne santé.

 

2. Les produits laitiers et la viande favorisent le cancer ?

Certaines études ont soulevé des questions sur les produits laitiers ou la viande rouge.
Toutefois, à ce jour, aucune preuve ne justifie leur exclusion systématique, surtout chez un patient en traitement.
Les protéines animales sont essentielles pour maintenir la masse musculaire et lutter contre la dénutrition.
L’essentiel reste de varier les sources : viande blanche, œufs, légumineuses, poissons gras, etc. Supprimer des catégories entières d’aliments sans raison médicale peut nuire plus qu’aider.

Les régimes à la mode : entre promesse et précaution

1. Le régime cétogène

Ce régime très pauvre en glucides vise à priver les cellules cancéreuses de leur principale source d’énergie. Bien que des résultats précliniques aient été observés sur certaines tumeurs, les études humaines sont encore limitées, hétérogènes et ne permettent pas de le recommander en routine.
De plus, il peut induire une perte musculaire, des troubles digestifs ou des carences s’il n’est pas encadré. Il est déconseillé chez les patients dénutris ou en cours de chimiothérapie.

 
2. Le jeûne intermittent ou thérapeutique

Le jeûne suscite un intérêt croissant, notamment pour ses effets sur les marqueurs métaboliques ou l’inflammation.
Certaines données suggèrent qu’un jeûne court avant les chimiothérapies pourrait améliorer leur tolérance.
Toutefois, ces approches ne doivent jamais être mises en place sans avis médical, car le risque de dénutrition est réel, surtout si les apports ne sont pas compensés en période de repos thérapeutique.

 

Les risques des régimes restrictifs

De nombreux patients, par peur d’"alimenter" leur cancer, adoptent des régimes stricts, parfois extrêmes. Cela peut entraîner :

  • Une dénutrition, qui fragilise la tolérance aux traitements.
  • Une perte de masse musculaire, parfois irréversible.
  • Une diminution de la qualité de vie (fatigue, isolement, perte de plaisir alimentaire).
  • L’alimentation ne doit pas devenir une source d’angoisse ou de contrôle excessif. Elle doit au contraire être un soutien, un réconfort, et une alliée du traitement.

 

Recommandations pratiques en période de traitement

1. Adopter une alimentation équilibrée et adaptée

L’objectif est de maintenir un bon état nutritionnel, en apportant suffisamment de calories, de protéines, de vitamines et de minéraux. Il est préférable de privilégier :

  • Des aliments simples, digestes, peu odorants (surtout en cas de nausées).
  • Une hydratation régulière (eaux, tisanes, bouillons).
  • Des apports protéiques réguliers (œufs, poissons, viandes maigres, fromages doux, légumineuses).


2. Fractionner les repas

Pendant les traitements, notamment en intercure, il est souvent plus facile de manger de petites quantités plusieurs fois par jour. On peut ainsi proposer :

  • Des biscuits secs, du pain grillé ou des fruits secs entre les repas.
  • Des collations riches en calories mais bien tolérées (purées, compotes, yaourts, smoothies).
  • Des aliments froids ou tièdes pour éviter les nausées déclenchées par les odeurs.


3. S’adapter à la tolérance individuelle

Il n’y a pas de "bonne alimentation" universelle. L’écoute du corps, le respect des envies et l’accompagnement par une diététicienne sont essentiels.


Conclusion

Aucune alimentation ne permet de guérir le cancer. Mais une alimentation adaptée, individualisée et bienveillante contribue à améliorer la tolérance aux traitements, maintenir la forme physique et préserver une qualité de vie précieuse. Face aux discours culpabilisants ou extrêmes, l’approche la plus efficace reste l’équilibre, la simplicité… et le bon sens.

 

Références :

1. Arends J, et al. ESPEN guidelines on nutrition in cancer patients. Clin Nutr. 2017.

2. Klement RJ. The ketogenic diet and cancer – a review of the evidence. Wien Med Wochenschr. 2016.

3. Laviano A, et al. Cancer anorexia–cachexia syndrome: new insights into an old problem. Nutrition. 2020.

4. National Cancer Institute (NIH) – https://www.cancer.gov/about-cancer/treatment/side-effects/appetite-loss/nutrition-pdq


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