Journée mondiale sans tabac : pour une nouvelle approche en Tunisie face à l’échec des campagnes classique

11/06/2025   2034   smartmed.dz


Journée mondiale sans tabac : pour une nouvelle approche en Tunisie face à l’échec des campagnes classique

À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, la plateforme Med.tn a organisé une table ronde autour d’une thématique volontairement directe : « Démêler le vrai du faux ». Cet échange a réuni des journalistes et deux professionnels du secteur de la santé – le Dr Dhaker Lehidheb, cardiologue, et Anas Laouini, psychologue spécialisé en thérapies comportementales – dans le but de questionner les approches actuelles de lutte contre le tabagisme et d’explorer des alternatives concrètes.

Une épidémie silencieuse

Le constat partagé par les intervenants est préoccupant : en Tunisie, près de 30 % de la population fume au quotidien, dont 18 % des adolescents entre 15 et 17 ans. Le tabagisme féminin, lui, a doublé en dix ans. Malgré ces chiffres alarmants, les campagnes anti-tabac restent ponctuelles, souvent limitées à des actions symboliques sans continuité ni véritable impact. « Il est temps de repenser nos stratégies », a déclaré le Dr Lehidheb, soulignant l’absence d’accompagnement adapté pour les fumeurs souhaitant arrêter.

Un coût humain et sanitaire dramatique

Sur le plan médical, les conséquences de cette addiction massive sont dévastatrices. Le Dr Lehidheb, en sa qualité de cardiologue, a particulièrement insisté sur l’explosion des maladies cardiovasculaires directement liées au tabagisme. Mais les risques ne se limitent pas à cette spécialité : cancers bronchopulmonaires, pathologies respiratoires chroniques et de nombreuses autres affections trouvent dans la cigarette un facteur aggravant majeur.

Chaque année, des milliers de Tunisiens paient de leur vie cette dépendance, tandis que beaucoup d’autres voient leur qualité de vie gravement altérée. Le Dr Lehidheb a alerté : un fumeur de 50 ans présente un vieillissement prématuré équivalent à celui d’une personne de 75 ans, expliquant que « l’âge d’une personne est l’âge de ses artères ». Selon lui, un Tunisien sur deux sera exposé à un AVC à partir de 55 ans.

Des chiffres alarmants en Tunisie

Lors de cette table ronde, il a également été rappelé que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 8 millions le nombre de décès annuels dans le monde dus au tabagisme. En Tunisie, ce chiffre atteint 13 200 morts chaque année, dont 2 600 sont attribuables au tabagisme passif. Le tabagisme reste ainsi la première cause de mortalité dans le pays. La Tunisie se classe 3e dans le monde arabe et 49e au niveau mondial en termes de pourcentage de fumeurs.

Des solutions à portée de main

Le Dr Lehidheb a plaidé pour une politique de santé publique proactive. Le coût de mise à disposition de méthodes de sevrage serait, selon lui, bien inférieur à celui des traitements pour les maladies liées au tabac. Il a cité les exemples du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande, qui proposent des substituts nicotiniques gratuits, accompagnés de soutien comportemental.

À l’inverse, en Tunisie, les patchs sont peu disponibles, tandis que les cigarettes sont omniprésentes. Le spécialiste rappelle qu’il existe plusieurs approches pour arrêter de fumer, telles que la psychothérapie, l’acupuncture, ou encore des substituts sous forme de comprimés oraux, le snus ou les cigarettes électroniques, certains étant déjà approuvés ou en voie d’approbation par les autorités sanitaires internationales.

Ce que font les autres pays

Plusieurs stratégies de réduction des risques ont été évoquées lors de la table ronde :

  • Royaume-Uni : interdiction des cigarettes électroniques jetables à partir du 01juin 2025, mais promotion du vapotage encadré comme méthode de sevrage. Plus de 60 % des arrêts réussis entre 2020 et 2021 sont liés à cette approche.
  • Nouvelle-Zélande : reconnaissance officielle de la vape comme outil de réduction des risques dans l’objectif d’un pays sans fumée d’ici 2025, avec des mesures de protection pour les jeunes.
  • Suède : usage contrôlé du snus, une alternative orale moins nocive, permettant un taux de tabagisme inférieur à 5 %.
  • Japon : adoption massive du tabac chauffé depuis 2014, contribuant à une baisse du tabagisme de 19,6 % à 10,6 %. Le Dr Lehidheb rappelle toutefois que ce produit ne doit être envisagé que dans une optique de sevrage.
Une approche humaine, fondée sur la science

Le psychologue Anas Laouini a insisté sur l’importance de sortir du cadre moralisateur. La culpabilisation est contre-productive, affirme-t-il. Ce qu’il faut, c’est écouter, éduquer, accompagner. Les approches comportementales, les groupes de soutien, et la prise en compte de la dimension psychologique de l’addiction sont autant de leviers essentiels pour aider les fumeurs.

Les deux spécialistes ont appelé à une refonte des campagnes nationales, plus continues, mieux ciblées, et basées sur des résultats mesurables. Ils plaident aussi pour l’intégration encadrée d’alternatives à moindre risque dans les parcours de sevrage, avec une formation adéquate des professionnels de santé.

La Tunisie ne pourra faire reculer le tabagisme qu’en adoptant une vision moderne, scientifique et pragmatique de la santé publique. Le véritable changement passe par une meilleure compréhension de l’addiction et une volonté politique forte pour innover et sauver des vies.


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